jeudi 16 avril 2015

Critique littéraire: "Les Méduses ont-elles sommeil?" de Louisiane C. Dor : un témoignage saisissant

Le livre de Louisiane C. Dor
Dans Les Méduses ont-elles sommeil?, son premier roman, Louisiane C. Dor relate ni plus ni moins son expérience personnelle de jeune adulte entraînée dans le tourbillon parisien des bas-fonds et de la drogue.

Avant cette expérience, Louisiane C. Dor n'avait jamais pensé à créer une oeuvre artistique, encore moins un roman d'une bonne centaine de pages. Mais, voyant l'Éducation Nationale et les associations françaises lui refuser la permission de faire des sessions préventives contre la drogue dure dans les collèges et les lycées, elle a décidé d'écrire ce roman.

Louisiane C. Dor emploie surtout dans Les Méduses ont-elles sommeil? le registre familier, qui lui réussit mieux que le registre soutenu, et l'aide à rendre plus authentiquement le climat de dépravation dans lequel elle était emportée. Pour nous, le sujet est quand même neuf et attrayant, mais il n'en est pas nécessairement de même pour tous les lecteurs. Le lecteur est emporté par le style sautillant et croustillant de l'écrivain qui lui fait découvrir le monde gore à sa façon.

Louisiane C. Dor lance, à partir de son roman, un véritable réquisitoire contre la société qui transforme les jeunes gens en véritables consommateurs de masse, inconscients de ce qui leur est inculqué et vendu: "Qui sont les modèles des enfants de la nuit ? Où copient-ils ces modes de vie et pourquoi ? Pourquoi faire chanter « Legalize Marie-Jeanne » aux jeunes, pourquoi chercher à tout prix à les rendre cons plus qu’ils ne le sont déjà, pourquoi ne pas leur donner le bon exemple, pourquoi n’y a-t-il pas plus de sessions de prévention en tout genre, pourquoi est-ce que j’ai trouvé ça cool de dire que je tapais occasionnellement de la coke et que je me défonçais tous les deux soirs à la MDMA ? Qui a fait en sorte que je trouve ça cool et pourquoi ?" (p.89).

L'auteure dénonce de même dans Les Méduses ont-elles sommeil? le système juridique qui traite les toxicomanes en véritables criminels, allant jusqu'à les emprisonner: "N'est-ce donc pas une maladie que d'être toxicomane ? Est-ce ainsi qu'ils la soignent ? Pourquoi nous traiter ainsi ? Pourquoi nous vendre dans les médias comme si nous étions de dangereux microbes ? " (p. 137).

Elle montre du doigt les gendarmeries et les institutions sanitaires, révélant leur indifférence par rapport aux toxicomanes : "[Les policiers] me relâchaient dans la nature avec mon addiction collée au derrière ; la droguée on s’en fiche, tout ce qui nous intéresse, c’est son fournisseur" (p. 140). Elle fait dire aux secours: "Désolé, les alcooliques et les toxicos, c’est pas notre priorité. On en a déjà trop ramassé ce soir" (p. 92).

Louisiane C. Dor retrace également dans Les Méduses ont-elles sommeil? les modes de pensée du toxicomane: "Un drogué semble comprendre ce qui lui avait toujours manqué lorsqu'il découvre la drogue et regrette instantanément de ne pas l'avoir connue plus tôt. (...) On se cherche et soudain grâce à la cocaïne on réalise que l'on est intelligent. Heureux de s'en être rendu compte, on continue la coke. Ça y est, j'ai trouvé mon cerveau. (...) Persuadée d'avoir découvert la solution à tout problème, je voulais faire essayer celle-ci à tous ceux qui s'ennuyaient. (...) La drogue était une merveilleuse invention et il était fabuleux qu'elle ne soit pas addictive. Ça, j'en étais persuadée." (pp. 97-99).

Ensuite, elle oppose la réalité à ce discours ironique: "C’est à ça que sert la cocaïne : faire parler pour ne rien dire de plus que si l’on n’avait pas parlé. (...) Plus simplement encore, elle nous rend tellement bêtes que chaque réflexion nous semble intelligente. (...) Ceux qui sont en dehors du cercle poudreux trouvent que ceux qui sont à l’intérieur du cercle sont vraiment atteints, voire plus simplement, complètement cons." (pp.97-98).

Dans Les Méduses ont-elles sommeil?, Louisiane C. Dor dévoile un monde dans lequel la chute aux enfers s'accompagne d'une véritable perte de l'humain et de la dignité.

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