"Hélas, Louis me fait honte. Il est derrière moi. Il porte
la cotte grise des pénitents. A ses pieds, de simples sandales. Un pèlerin.
Extatique, il embrasse une petite croix de bois pendue à son cou. Son regard
est d’un bleu transparent, lavé par les sermons. Je n’ose même pas
imaginer le spectacle qu’il offre. Par moi, il a goûté à la haine. Par
lui, j’ai découvert la honte. Quel magnifique couple nous formons ! J’aurais
tant donné pour marcher à côté d’un roi. Qu’un monarque porte une couronne
et un manteau d’hermine, est-ce trop demander ? Maudits soient ces abbés
qui effacent les êtres ! J’avance et j’observe les réactions :
admiration pour moi, effarement quand on comprend que l’ermite, c’est le
roi. Parfois il tente un pas de côté pour se joindre à la foule. Les
sergents le ramènent doucement vers le cortège royal. Je surprends des
visages hilares. Ah, si je pouvais me retourner et fouler aux pieds ce
mari incapable de tenir son rang ! Plus loin devant, les
mitres étincellent. L’abbé Suger a lancé des centaines d’invitations.
C’est un festival de broderies, d’orfroi, de couleurs. Même les chevaux
ont des robes de brocart. Et parmi ce luxe, qui est bien la seule chose
que j’apprécie en l’Eglise, il y a une erreur, mon mari." (p. 150)
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