samedi 7 mars 2015

Extraits: "Notes sur les poèmes cités" du Roi disait que j'étais diable de Clara Dupont-Monod

J’aime fort qu’elle me rende fou 
Qu’elle me laisse là, nez levé 
Qu’elle rie de moi, qu’elle me bafoue
Autant en public qu’en privé.
Après le mal viendra le bien, 
Je n’attends que son bon plaisir.  
Hélas d’amour je n’ai gagné 
Que des tortures et des angoisses 
Mon désir s’élance vers vous 
Mais il ne peut pas vous atteindre 
Et rien ne me fait plus envie 
Que ce qui s’éloigne de moi. 

Extraits de la Chanson de Cercamon. Ce jongleur était originaire de la Gascogne. Il fréquenta les cours du Poitou et du Limousin. Il nous reste de lui sept poèmes, qu’il composa entre 1135 et 1145.


Sire, dit la paysanne
L’homme encombré de folie 
Jure, promet et s’engage
Mais de semblables hommages 
Ne donnent pas droit d’entrée  
Je garde mon pucelage 
Nul ne me dira putain !  

Pastourelle de Marcabru. Jongleur et gascon, comme Cercamon, il était un enfant trouvé. Il résida dans plusieurs cours du midi de la France ainsi qu’en Espagne. Il nous reste de lui 45 pièces, composées entre 1129 et 1150, dont sa raillerie  à l’encontre de Louis VII:

Haut et grand, branchu et feuillu, 
De France en Poitou parvenu, 
Sa racine est méchanceté 
Par qui Jeunesse est confondue… 

Avec cette chanson, Marcabru se serait vengé d’avoir été chassé par Louis VII, ce dernier étant jaloux des strophes enflammées consacrées à Aliénor.


Elle peut m’inscrire en ses livres, 
Ne croyez pas que je sois ivre, 
Désir de ma dame me tient
Sans elle je ne peux pas vivre. 
De son amour j’ai si grand faim.  

Chanson de Guillaume de Poitiers, le grand-père d’Aliénor d’Aquitaine. Né en 1071,       il est le premier troubadour connu. Dans ses chansons, il posa les bases de l’amour courtois. Dans la vie,  il fut excommunié plusieurs fois par l’Église, en raison de ses mœurs libertines et de son appétit guerrier.


Jamais d’amour je ne jouirai 
Si je ne jouis de cet amour lointain 
Je voudrais, pour elle, 
Être appelé captif là-bas 
Au pays des Sarrasins.  

Chanson de Jaufré Rudel, parmi les six conservées. Celle-ci fait référence à la            deuxième  croisade  dont  
Jaufré  Rudel faisait   partie. La  légende  raconte  qu’il  s’engagea   auprès  de  Louis VII pour aller   retrouver   Hodierne, princesse  de  Tripoli,  qu’il aimait sans avoir jamais vue, et qu’il mourut dans ses bras en arrivant au port.


A l’entrée du temps joli
Pour réveiller l’allégresse 
Et assombrir le jaloux 
La reine a voulu montrer 
Comme elle est amoureuse.  

Ballade anonyme, du XIIe siècle. La ballade était une poésie « à danser », le plus                     
souvent           dès           le         mois                d’avril,           avec       le           printemps. On         la      chantait          en       plein      air, à        voix       nue,   
en faisant une ronde.


En un verger sous la fleur d’aubépine
La Dame tient près d’elle son ami 
Le guetteur crie que le soleil se lève
Mon Dieu, mon Dieu, comme l’aube vient tôt ! 
Gracieuse elle est cette dame, et plaisante 
Pour sa beauté l’admirent maintes gens, 
Et      son cœur sait ce qu’est l’amour loyal
Mon Dieu, mon Dieu, comme l’aube vient tôt ! 
Qu’il plaise à Dieu que la nuit s’éternise, 
Que mon ami ne s’éloigne de moi 
Que le guetteur ne voie poindre le jour. 
Mon Dieu, mon Dieu, comme l’aube vient tôt ! 

Cette aube (chant du matin) est anonyme. Ecrite probablement au xiie siècle, elle est considérée comme une des plus belles de la poésie provençale.Elle se rattache à la canso (chanson), qui fonde la lyrique occitane.  

Ces informations sont extraites de Poésie des Troubadours, Anthologie, préface et choix d’Henri Gougaud, Seuil, Point Poésie, 2009. 

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