« Je t’ai sacrifié
l’abbé Suger. Je l’ai écarté du pouvoir. J’ai promu ses ennemis. Mathieu de Montmorency a été nommé connétable. Raoul de Vermandois a repris sa charge de sénéchal. Mon
chancelier, proche de Suger, a été évincé. A la place, j’ai pris Cadurc. Tu m’as soufflé son nom. Un jeune clerc ambitieux, assoiffé de pouvoir, que Suger déteste. Tu
vois, ma princesse aux poings serrés, je creuse ma tombe avec soin. J’ose même l’impensable. Je
l’avais prédit. Je m’oppose à l’autorité la plus haute, celle du pape. Il a reconnu l’élection du nouvel archevêque de
Bourges. Mais sur tes conseils, je
conteste ce choix et lui oppose Cadurc. Le pape est très surpris. Et furieux. Dans une lettre sèche, il me compare à « un enfant dont
l’éducation reste à faire ». On m’a
rapporté que Bernard de Clairvaux aussi allait m’écrire, pour m’expliquer combien je le
déçois. Je sais que je risque l’excommunication. Bien sûr que j’en suis
conscient! Je frôle mon anéantissement, j’effleure mes dernières barrières.
Qu’ai-je à perdre désormais ? Plus rien. Qu’ai-je à y gagner ? Un peu de
ta considération. Je laisse l’abbé Suger, le pape et Bernard de Clairvaux,
mes pères, parler de caprice,d’immaturité, d’obstination idiote. Personne
ne sait que derrière chacune de ces trahisons, que j’ai soigneusement
orchestrées comme on règle les derniers détails de sa mort, il y a, tapi dans
l’ombre de ma chute, l’espoir fou que tu me regardes » (p.106)
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