J’aime fort qu’elle me rende fou
Qu’elle me laisse là, nez levé
Qu’elle rie de moi, qu’elle me bafoue
Autant en public qu’en privé.
Après le mal viendra le bien,
Je n’attends que son bon plaisir.
Hélas d’amour je n’ai gagné
Que des tortures et des angoisses
Mon désir s’élance vers vous
Mais il ne peut pas vous atteindre
Et rien ne me fait plus envie
Que ce qui s’éloigne de moi.
Extraits de la Chanson de Cercamon. Ce jongleur était
originaire de la Gascogne. Il fréquenta
les cours du Poitou et du Limousin. Il nous reste de lui sept poèmes,
qu’il composa entre 1135 et 1145.
Sire, dit la paysanne
L’homme encombré de folie
Jure, promet et s’engage
Mais de semblables hommages
Ne donnent pas droit d’entrée
Je garde mon pucelage
Nul ne me dira putain !
Pastourelle de Marcabru. Jongleur et gascon, comme
Cercamon, il était un enfant trouvé. Il résida dans plusieurs cours du midi de
la France ainsi qu’en Espagne. Il nous reste de lui 45 pièces, composées entre
1129 et 1150, dont sa raillerie à l’encontre
de Louis VII:
Haut et grand, branchu et feuillu,
De France en Poitou parvenu,
Sa racine est méchanceté
Par qui Jeunesse est confondue…
Avec cette chanson, Marcabru se serait vengé d’avoir été
chassé par Louis VII, ce dernier étant
jaloux des strophes enflammées consacrées à Aliénor.
Elle peut m’inscrire en ses livres,
Ne croyez pas que je sois ivre,
Désir de ma dame me tient
Sans elle je ne peux pas vivre.
De son amour j’ai si grand faim.
Chanson de Guillaume de Poitiers, le grand-père d’Aliénor
d’Aquitaine. Né en 1071, il est
le premier troubadour connu. Dans ses chansons, il posa les bases de l’amour
courtois. Dans la vie, il fut excommunié plusieurs fois par l’Église, en raison de ses mœurs libertines et de son appétit guerrier.
Jamais d’amour je ne jouirai
Si je ne jouis de cet amour lointain
Je voudrais, pour elle,
Être appelé captif là-bas
Au pays des Sarrasins.
Chanson de Jaufré Rudel, parmi les six conservées.
Celle-ci fait référence à la deuxième croisade dont
Jaufré Rudel faisait partie. La légende raconte qu’il s’engagea auprès de Louis VII pour aller retrouver Hodierne,
princesse de Tripoli, qu’il aimait sans
avoir jamais vue, et qu’il mourut dans ses bras en arrivant au port.
A l’entrée du temps joli
Pour réveiller l’allégresse
Et assombrir le jaloux
La reine a voulu montrer
Comme elle est amoureuse.
Ballade anonyme, du XIIe siècle. La ballade était une poésie « à danser », le plus
souvent dès le mois d’avril, avec le printemps. On la chantait en plein air, à voix nue,
en faisant une ronde.
En un verger sous la fleur d’aubépine
La Dame tient près d’elle son ami
Le guetteur crie que le soleil se lève
Mon Dieu, mon Dieu, comme l’aube vient tôt !
Gracieuse elle est cette dame, et plaisante
Pour sa beauté l’admirent maintes gens,
Et son cœur sait ce qu’est l’amour loyal
Mon Dieu, mon Dieu, comme l’aube vient tôt !
Qu’il plaise à Dieu que la nuit s’éternise,
Que mon ami ne s’éloigne de moi
Que le guetteur ne voie poindre le jour.
Mon Dieu, mon Dieu, comme l’aube vient tôt !
Cette aube (chant du matin) est anonyme. Ecrite probablement au xiie siècle, elle est considérée comme une des plus belles de la poésie provençale.Elle se rattache à la canso (chanson), qui fonde la
lyrique occitane.
Ces informations sont
extraites de Poésie des Troubadours, Anthologie, préface et choix d’Henri
Gougaud, Seuil, Point Poésie, 2009.